Sixteenth anniversary…
24/06/2007…
24/06/2023.
Depuis le mercredi déjà j’ai repéré grâce à Paraglidable (en lien dans le blog, section liens météo) que tous les voyants semblent au vert pour la journée du samedi 24 juin.
J’ai le stress qui monte car depuis des mois qu’on a un temps très perturbé (en bon français on dirait plutôt un temps de merde), je m’étais engagé sur cette date pour la soirée de départ à la retraite d’un ami (en bon français, là pour le coup du départ en retraite on dirait plutôt un enfoiré de privilégié !). Connaissant mes activités à caractère imprévisible il m’avait contacté en premier un mois et demi auparavant afin de caler une date pour tout le monde.
Vu la météo qu’on se tapait alors depuis déjà fin avril, je me suis dit que bon je pouvais lui dire ok pour cette date. Que même si c’est au mois de juin ça serait bien le diable que ça tombe sur La journée parfaite. Car 95% du temps on a soit un peu trop de vent, un peu trop de nuages, du vent dans le mauvais sens, un anticyclone qui nous donne la canicule mais qui écrase les thermiques, de l’instabilité en montagne qui donne des orages…
Mais là le jeudi confirme ce que je pressentais le mercredi et le vendredi sur-confirme que le samedi est une journée top pour chez nous. De très bons plafs (>2000), du vent de sud en basse couche pas très fort, des cumulus mais sans développement, donc sans orages. Seul bémol 10 km/h de nord-ouest annoncé au-dessus de 2000 et qui descend vers 1800 dans l’après-midi au sud du lac de Ste-Croix. Mais plus au nord la voie semble toute ouverte pour une directe vers Briançon…
Déjà deux jours que je stresse pour cette soirée qui tombe vraiment mal. Que faire ? J’envoie des mails pour tendre une perche (en bon français on dirait… ?) pour dire que je serai certainement en l’air l’après-midi, que je risque d’être vraiment en retard, le stop, tout ça, etc. Mais ils font semblant de pas comprendre et me disent que ce n’est pas grave d’être en retard, que l’essentiel est que je vienne, que le champagne m’attendra !
Bref je suis coincé, ne pas me pointer risque vraiment de les vexer. Et je risquerais de perdre encore des amis !
Le samedi matin je contacte William et Manu qui me disent qu’ils iront au pic avec Jean-Luc et Philippe Salti. Bon moi j’irai à Signes.
Évidemment à 10h26 la seule et unique navette (prévue sur leur compte Instagram pourri) est déjà partie. A la question y en aura-t-il une autre ? Réponse, ça dépend du monde…
Mais vu la dynamique avec cette navette, personne (ou presque) ne pouvant compter dessus, il n’y presque plus de candidats pour la prendre. Les gens se sont débrouillés autrement. Beaucoup sont allés à Cuges (car toujours des navettes ou presque) et les inconditionnels de Signes et encore en forme se sont équipés en « Light » pour monter à pied et ne pas dépendre de cette navette qui devrait s’appeler l’arlésienne…
Bon du coup pas le choix. Je monte à pied avec mon sac de 18 kg. Au moins avec ça je suis au ptv optimal de mon aile.
Sur la montée je me fais rattraper par Thomas (il est jeune le bougre) et on finit le chemin ensemble. Il est sympa, il a pitié…
Arrivés en haut il y a Pascal qui fait décoller les élèves, un peu de monde. Pas la foule des grands jours. Normal, on est samedi et il fait un super temps pour le parapente…
Je retrouve Yves, Marcus, Claude, parapantoufles, Cyrille, Hervé, et quelques autres. Même le diable en Zeno n’est pas là !
Le vent est bien est. Les audacieux qui s’élancent comme Marcus, se font vite mettre parterre….
Du coup tout le monde temporise. Et le doute sur le potentiel de cette journée commence à envahir les esprits les plus faibles…
Vers 12h30 Hervé décolle se fait dégueuler normalement mais sur la fin de son vol on voit qu’il y a des trucs qui permettent de monter un peu, que le vent à envie de tourner vers le sud et même le sud-ouest.
Je me prépare alors vite fait pour décoller rapidement (non d’abord sans avoir perdu mon maillon de largueur d’accélérateur…) Heureusement c’est Thomas qui le retrouve sur le déco ! Trop fort Thomas car sans accélérateur ça n’aurait pas été pareil.
Je décolle donc vers 12h45 dans un ciel bleu et je sens encore bien l’est… La masse d’air n’est pas sympa mais ça monte par à-coup au début puis ça finit par s’organiser et je tape 2200. Direction le nord-ouest et je sens déjà que je suis contré par un petit 10 km/h… Sur le mont Aurélien les premiers petits cums apparaissent tandis que la Ste Baume est vierge de tout nuage.
Je tape 2600 sur Rougier, puis les cums sur le mont Aurélien à 2400. Derrière moi au loin je vois deux ailes. Une jaune, certainement Parapantoufles, et une rouge, Yves. Malheureusement pour lui il n’arrivera pas à sortir au-dessus de Rougier et devra se poser. Parapantoufles, lui se refait doucement et continuera jusqu’au lac avec Cyrille.
Les cums font une belle ligne en allant vers le nord et la suite est du cheminement de nuage en nuage toujours au-dessus de 1600 mais le plus souvent au-dessus de 2000. Parfois ça monte facile et parfois j’ai du mal à me positionner et trouver la bonne zone. Mais dans l’ensemble c’est assez facile. Je crabe tout le temps un peu pour viser l’ouest du lac car à l’est on est coincés par le camp de Canjuers et si on veut aller plus loin on a des points bas à négocier et des détours qui font perdre du temps.
J’arrive donc à plus de 2200 aux nuages à l’ouest du lac, très bien placé pour continuer sur le plateau de Valensole très généreux. J’avance pour rejoindre le bord du plateau en traversant le Verdon et hésite à fond. Que faire ? Vu les conditions, je suis à plus de 2200 au nuage, les lignes sont évidentes sur le plateau en direction de St-Jurs et ensuite plus loin vers Dormillouse… Mais putain j’ai cette contrainte à 20h00 à Six-Fours. Que faire ? C’est vraiment rageant d’être là super bien placé, avec encore au moins 4h de vol devant moi et des conditions parfaites. Finalement je me retourne et je vois que le ciel derrière moi, là d’où je viens est bien barré de cumulus qui s’étalent. Je fais demi-tour vertical St-Laurent du Verdon, juste devant Montpezat, là où le diable a fait demi-tour la semaine passée pour revenir jusqu’à Flassan…
En avançant vers le sud maintenant et vers ces cumulus qui s’étalent je prends 2400 au-dessus de Quinson et m’échappe en bordure vers l’ouest. Toujours perché et pas tellement contré. J’avance entre 30 et 35, accéléré à moitié. Je me dis que ce n’est pas pire et que je peux me rapprocher pour assurer mon retour. Et qui sait ?
Toujours en tête de craber vers l’ouest, car je sais que le retour sur Signes est difficile avec l’ouest de fin d’après-midi. Qu’on est quasiment toujours poussés vers l’est et Brignoles et qu’on finit du côté de Tasie. Il y a quelques années j’avais été presque jusqu’à Quinson et étais revenu jusqu’à la sortie de Garréoult, contré par l’ouest de fin d’après-midi. J’étais très heureux d’être presque rentré à Signes ! Je ne pensais pas à l’époque que c’était possible !
Bon je continue vers le sud en visant les cumulus et crabant vers l’ouest, toujours. Mais c’est de plus en plus à l’ombre sur de larges zones et je suis bien contré pour passer le plateau de forêt afin de basculer vers Varages et être du bon coté pour le retour. Je ne trouve pas vraiment de quoi me refaire et pousse toujours le barreau. Les ascendances que je trouve me décalent bien vers l’est. L’ouest est donc bien présent mais pas si fort. Après un petit plein vers 2000 même pas jusqu’au nuage car je décale plus que je n’avance et ce n’est pas rentable, au niveau de Tavernes je trace ma route vers Brue-Auriac toujours en crabant pour contrer l’ouest. Mais la zone est bien à l’ombre et je descends. Ça sent la fin et le posé à Brue-Auriac. Je suis à 300 m sol, au-dessus d’une forêt, tout est à l’ombre car les cums se sont bien étalés. Je repère un terrain à la sortie de Brue-Auriac…
J’aperçois une mini tache de soleil, j’y trouve une mini ascendance qui me remonte à 1250 et continue d’avancer vers le sud, un peu en mode fuite. Puis une autre ascendance qui, de la même façon, me monte à 1300 en décalant vers l’est, où je ne veux pas aller, et je finis pas la perdre. Mais j’avance toujours vers le sud et arrive maintenant entre Seillons et Bras. Je vois plus de soleil sur Bras et me décide de m’y laisser dériver car je suis trop bas et la priorité est de remonter plus que de craber contre l’ouest. Et ça marche ! Je trouve une petite ascendance que je garde en dérivant poussé par l’ouest et elle finit par me monter à 2000. Je la quitte, toujours pour pas partir trop à l’est, mais maintenant, surprise, J’ai du nord-ouest dans le dos qui me pousse !!! J’avance à 55 à l’heure accéléré ! Je vise encore les cumulus un peu étalés devant moi au-dessus de l’autoroute et tape 2400 aux nuages au-dessus du village de Tourves !
Maintenant je me prends à rêver d’aller poser à Signes. Je sais que le retour et le passage de Mazzaugue n’est pas simple, car il y aura certainement du sud-ouest qui vient de la vallée de Signes pour me contrer. Il reste quelques petits morceaux de cumulus épars vers les falaises de Mazzaugue. Mais au-dessus de 1800 maintenant j’ai du nord-ouest qui me pousse ! J’ai une super finesse.
En basculant sur le plateau d’Agnis, je reconnais la zone d’arbres qui m’a sauvée la vie lors de mon accident le 24 juin 2007, quand mon parachute n’était pas sorti et que j’avais fini twisté sous ma Mantra, en rotation.
Soudain je réalise que nous sommes le 24 juin 2023 ! Il y a seize ans j’étais en bas, sauvé par un arbre magique. Je survole donc la zone avec pas mal d’émotion. La superstition m’envahit. Et si c’était la fin de la boucle ? Je tiens bien ma voile, au cas où…
Mais je passe la zone et me retrouve toujours avec une super finesse, j’avance à 45, je suis à 1900 et j’aperçois la plaine de Signes. Je sais que c’est gagné, que je vais poser à l’atterrissage. Je survole le décollage où j’aperçois des ailes au sol et des pilotes. Je me dis qu’ils doivent se demander d’où vient cette aile… Je finis par taper la brise mais elle n’est même pas forte. J’avance jusqu’après la grande carrière de Chibron pour perdre de l’altitude et fais demi-tour pour aller poser au terrain. A une centaine de mètres j’aperçois Yves à l’atterrissage. Je sais que c’est lui qui m’a appelé plusieurs fois pendant mon vol, pour savoir si j’étais toujours en l’air et certainement faire des spéculations sur la distance parcourue. Mais il ne doit pas se douter que c’est moi qui reviens à Signes.
Je me pose en douceur à coté de lui. C’est incroyable, c’est je crois la première fois que quelqu’un va aussi loin et arrive à reposer au terrain de Signes. Mon GPS annonce 108 km en aller-retour en 4h20.
Tout simplement génial. Je n’ai pas d’images car ma caméra que j’avais emportée s’est dévissée de la perche et était tombée dans le cocon en vol. Du coup j’ai galéré pour la récupérer et je l’ai mise dans ma poche.
Voilà un vol improbable que j’ai fait car j’avais une contrainte qui m’a obligé à ne pas suivre le vent vers le nord comme on fait toujours mais à tenter un retour très improbable. Mais aujourd’hui les planètes étaient bien alignées et peut-être voulaient-elles que je repasse au-dessus de mon arbre ?
Alors voilà, tout simplement,
Merci la vie.
https://www.xcontest.org/world/en/flights/detail:ksuxcle/24.6.2023/10:54
Ksuxcle, le 24 juin 2023.
Ce jour plein de copains auront fait des supers vols.
A partir de la Ste-Victoire :
Mig à Briançon (presque banal ) on attend ta trace Jean Luc
Manu fait son record personnel à Dormillouse avec 140 km !https://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/vol/20344996
William aussi qui va se poser sur la plage du lac de Ste-Croix https://parapente.ffvl.fr/cfd/liste/vol/20344948
Cédric à St-André, une trace ?
Depuis Signes :
Parapantoufles et Cyrilles au lac aussi. https://www.xcontest.org/world/en/flights/detail:cyrdel/24.06.2023/11:06
Merci les amis pour vos commentaires.
Heu j’ai dit une connerie là, non ?