L’ascenseur émotionnel

  La journée du 28 mars s’annonce très bonne sur le papier, une juste continuité de la semaine fumante qui vient de s’écouler. Mon choix s’oriente dans un premier temps sur la Sainte Victoire mais après un coup de fil à Marcos et Mig nous voilà décidés pour Saint André.

Nous nous retrouvons à 9 heures le lendemain matin à Aéroglisse, rejoints très vite par les locaux. La journée s’annonce vraiment bonne et nous sommes un petit groupe de pilotes à tenter le triangle Digne Dormillouse. Marcos gère en commandant la navette, et nous voilà installés au déco sud. Les conditions sont déjà là. De petits cycles poussifs balayent le déco par moment.

Nous avons assez traîné, il faut se préparer.

Me voilà prêt, la chaleur du soleil diffusant sous toutes mes couches de doudounes, je regarde passer un escadron de vautours haut dans le ciel. Un biplace décolle, traversant quelques bulettes et poursuit paisiblement son vol vers l’atterro.

Mais ça y est, l’ouest rentre et il faut absolument décoller sous peine de rester cloué au sol un petit moment. Un cycle déclenche, trois pilotes décollent, Mig leur emboite le pas, moi également. Nous rebondissons péniblement sur le haut du déco et sommes finalement pris en charge.

C’est partie pour une belle aventure.

Marcos décollera un peu plus tard piégé par les bouffes d’ouest.

Rapidement nous montons à 2300 au-dessus du Chalvet (l’altitude de croisière des vautours de tout à l’heure). Le thermique est doux et régulier.

 +2,5 à 11h30 ça sent bon.

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Première transition sur Mouchon.

 Fabrice et Hervé (les locaux) y sont depuis 10 minutes mais galèrent bien bas. J’arrive suffisamment haut pour tomber direct dans le thermique qui canalise des deux faces. Je remonte facilement à 2300. Mig est juste derrière moi.

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Je saute de crêtes en crêtes, toujours poussé par le SE. Le Cousson s’approche à grand pas.

Marcos, le couteau entre les dents, me rattrape à une vitesse hallucinante  et me double par le bas pour en raccrocher les faces sud.

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 J’arrive 300 mètres au-dessus du sommet et cherche la pompe. Mig m’a rejoint et nous essayons de faire le maximum de plafond et enroulons tout ce que nous pouvons pour préparer la transition sur Courbons. 

Nous faisons péniblement 2100 et abandonnons Marcos toujours sur les barres n’arrivant pas à s’extraire.

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Dignes, le verrou du vol.

 Il va falloir être aiguisé pour en ressortir (je ne mesure pas encore ce qui m’attend) d’autant plus que Fabrice et Hervé qui ont raccroché depuis un bon quart d’heure n’arrivent pas à sortir. 

Mig me précède de bien 500 mètres et nous entamons une petite laisse de chien à l’ouest pour repiquer sur le village de Courbons.

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 Je rattrape Mig mais j’ai l’impression de tomber du ciel. Un coup d’œil sur le vario, 5,3 de finesse Je relâche l’accélérateur et récupère un bien meilleur plané. Cependant le mal est fait. J’ai rattrapé Mig et suis 200 mètres plus bas maintenant. L’espoir de raccrocher Courbons s’envole. Me voilà contraint de me rabattre sur le rocher d’escalade 500 mètres sous le village. Mig quant à lui a pu rebondir sur un pet mouillé et s’est jeté sur les falaises de Courbons.

Mon dernier espoir est donc un bout de caillou de 50 m de long. Je sais qu’il est possible d’en ressortir mais l’extraction va être délicate d’autant qu’une ligne à haute tension ferme la combe et tout espoir de rejoindre la vallée.

Me voilà donc en attente avec une vache, petite mais confortable pour poser.

Par chance la zone donne bien. Des petits boulets de cannons désorganisés et inexploitables me permettent de zéroter difficilement.

IL va falloir être patient.

J’entends à la radio que Fabrice et Hervé vont poser au stade de Digne. Les choses s’annoncent mal.

Un combat d’usure entre la masse d’air et moi s’engage.

J’exploite au mieux ce qui se trouve à ma disposition, à savoir pas grand-chose, mais à part faire un yoyo désagréable je n’arrive absolument pas à m’extraire. Le temps passe. Je jette un coup d’œil sur Courbons et entre-aperçois Mig disparaître derrière le clocher.

D’un coup ça monte plus, je passe sous la falaise. Il va falloir prendre une décision. Si j’insiste je perds ma vache. Tant pis j’insiste, c’est ma dernière chance, je me contenterai d’un bout de contre pente avant la ligne si la masse d’air ne veut plus de moi.

Un missile me traverse et me remonte au niveau de la falaise. Je respire un peu, tout n’est pas perdu. Je parviens enfin avec l’aide précieuse d’un corbeau à m’extraire au niveau des antennes de l’Andran pour me jeter enfin sur Courbons.

Je quitte avec soulagement mon trou pour un deuxième. Certes beaucoup plus confortable mais ça veut toujours pas sortir.

Je vois Mig posé au pied de la pente en train de finir de plier prêt à remonter.

Le temps me semble vraiment long maintenant. Je zigzague le long de la pente, grappillant quelques mètres, les reperdant instantanément.

J’ai donc tout le loisir d’observer Migue remonter le chemin à toutes jambes pour continuer son vol.

Par un combat acharné je fini par sortir dans un bon +4 sur la face sud du Matignion et me retrouve à 2300. Quel plaisir après tout ce temps dans les basfonds d’avoir du gaz et du temps. 

Je vais pouvoir récupérer et préparer la suite du vol.

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 J’entame la transition vers le Blayeul et m’aperçois avec joie que Marcos se trouve deux thermiques devant.

J’en profite pour relâcher la pression, boire un coup et manger une petite pomme pote.

Le repos est de courte durée, le Blayeul arrive vite poussé par le SO et je ne sais pas par où l’attaquer. D’autant que son sommet est coiffé par une grappe de planeurs qui malgré la distance me semble monter comme des briques.

Je me place sur la crête de Liman et vise une combe sud-ouest des contreforts. Je fini par me faire aspirer par un énorme +4 qui me remonte à 2000, me permettant, un thermique plus tard, de rejoindre le sommet, et de sortir à 3300 avec les planeurs que j’observais quelques kilomètres en amont.

Marcos est déjà en transition sur le Bernardez.

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 Ouf ! La première partie du vol est faite. On va pouvoir penser au retour.

Je fais demi-tour au Bernardez en faisant la jonction avec Marcos qui rentre du fort. Je laisse s’échapper Dormillouse et le lac de Serre-Ponçon préférant faire le retour avec mon copain. 

Je suis content de plus être tout seul.

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 La Blanche est allumée du feu de dieu et nous offre une vue magnifique sur les sommets.

On file tout droit au-dessus des crêtes, légèrement contré en SO, vers le Trauma ou il faudra faire un bon plein pour transiter sur Côte Longue.

Le thermique est très très généreux. Marcos rentre dedans et monte à la verticale tenant sa voile qui se tord dans tous les sens.

Ça va être mon tour. 

Il nous monte très vite à 3500.

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 Je profite de cette longue transition pour m’en mettre plein les yeux et me reconcentrer car même si le Chalvet se dessine au fond, le retour est loin d’être fini.

On refait un plein au Carton pour entamer le retour sur Côte Longue. Marcos part un peu plus haut et se remet facilement au vent. Parti un peu plus bas je peine à le rattraper en longeant le relief.

Un dernier gros plein et le retour est presque dans la poche.

A 3300 on part direction de Le Cordoeil, mais voyant deux guns prendre une ligne de ouf à l’ouest je décide d’abandonner Marcos et file les rejoindre. 

Finalement la stratégie n’aura pas apporté grand-chose.

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 Je finis tranquillement mon vol vers Chamat pour boucler le triangle.

Je pose à coté de Marcos, des étoiles plein les yeux.

Mig posera 1H30 plus tard, après avoir redécollé de Dignes pour terminer son vol, l’œil encore pétillant de toutes ces émotions du jour.

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Nico  

 

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1 Comment

  1. Excellent nico!
    Superbe vol, gros mental le gars!Le récit est top on vit bien le vol.
     
    manu

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